Nouvelle rencontre avec Elodie Barbut-Paillard, art-thérapeute au centre hospitalier de Périgueux qui nous éclaire sur le projet ARONCO.
Nous l’avions rencontrée en 2018 pour évoquer, avec elle, les bienfaits de l’art-thérapie et admirer l’exposition des œuvres réalisées par les patients du service hématologie-oncologie du Centre Hospitalier de Périgueux.
Cette fois et, toujours avec le soutien du Fonds de Dotation Patrick de Brou de Laurière, elle nous éclaire sur son projet de recherche ARONCO.
1. Pouvez-vous nous présenter votre métier et nous dire où et avec qui vous l’exercez ?
Je suis art-thérapeute diplômée d’université depuis 11 ans. L’art-thérapie est l’utilisation de diverses méthodes artistiques à des fins thérapeutiques. Cela peut permettre au patient d’exprimer ses sentiments, ses ressentis ou ses craintes à travers sa création.
Je travaille actuellement avec des personnes âgées, avec ou sans pathologie démentielle en EHPAD en libéral une journée par semaine, et à 80% au Centre Hospitalier de Périgueux en hôpital de jour d’oncologie hématologie. J’interviens auprès des patients en prise en charge individuelle pendant leur traitement chimiothérapique depuis plus de 5 ans.
Les patients atteints de cancer durant leur parcours de soins sont particulièrement vulnérables aux symptômes de douleur, fatigue, nausée, somnolence… qui peuvent affecter leur qualité de vie tout au long de la maladie. L’art-thérapie reste novice comme proposition systématique de soins de support. Il s’agit d’une approche non médicamenteuse, qui peut aider certains patients à supporter les conséquences du cancer au-delà du soin apporté.
Le but : « réinvestir » le patient atteint d’une pathologie cancéreuse dans un projet, le revaloriser grâce à la pratique artistique, recréer du lien avec la famille du patient, stimulation du plaisir esthétique.
2. Qu’est-ce que l’étude Aronco et en quoi va-t-elle améliorer la vie des patients ?
Aronco est une étude qui a vu le jour en 2019. L’idée d’une étude sur ma pratique était déjà présente en 2017. J’avais pu faire une petite étude observationnelle sur laquelle je m’étais appuyée pour élaborer celle-ci. L’accord du comité de protection des personnes a été donné mi-Novembre 2019. Nous avons commencé les inclusions des patients début janvier 2020. L’inclusion des patients se fera sur 24 mois. Chaque patient ayant 6 visites maximum, ce qui peut aller de 6 semaines à 6 mois, selon les protocoles médicamenteux. Le nombre de sujets nécessaires pour que cette étude soit aboutie est de 86.
Le but de cette étude est d’évaluer l’impact d’une prise en charge art-thérapeutique comme soin de support sur la symptomatologie de patients atteints de cancer au cours de leur traitement, dans un hôpital de jour, comparé à un groupe de patients qui n’en bénéficie pas.
Il s’agit d’évaluer l’impact de l’art-thérapie comme soin de support sur l’amélioration du bien-être ressenti après une séance de traitements anticancéreux (chimiothérapie, immunothérapie…), pendant 6 séances, chez des patients ayant une pathologie cancéreuse. En objectif secondaire d’autres symptômes seront étudiés. Le schéma d’étude interventionnel va permettre de montrer l’importance scientifique de l’art-thérapie dans le parcours de soins d’un patient atteint de cancer, dans l’atténuation des symptômes liés à sa maladie et son traitement, et l’impact positif de cette pratique sur sa qualité de vie.
3. Vous êtes passée d’une étude observationnelle à une étude interventionnelle randomisée de supériorité, ce qui est une 1ère en France. Pouvez-vous nous expliquer en quoi cela est remarquable ?
Comme vous l’avez dit, ce serait une première en France. Il y a eu des études randomisées sur l’art-thérapie dans d’autres pays mais pas sur ce type de sujet.
Cette étude a pour but de prouver la plus-value de l’art-thérapie dans la prise en charge globale des patients en hôpital de jour d’oncologie-hématologie. Nous souhaiterions voir l’apparition d’une différence significative entre le groupe bénéficiant de l’art-thérapie en soin de support des traitements anticancéreux, par rapport au groupe n’en bénéficiant pas, sur :
> L’évolution de l’atténuation des symptômes avant et après chaque séance, ainsi qu’entre la première et la dernière séance de traitement anticancéreux.
> L’amélioration de la qualité de vie pendant la prise en charge.
Nous souhaiterions également que les patients bénéficiant de l’art-thérapie en soin de support, aient une bonne satisfaction de cette prise en charge. Nous voudrions que nos résultats confirment que la pratique de l’art-thérapie diminue les symptômes et améliore la qualité de vie des patients atteints d’une maladie cancéreuse pouvant bénéficier, ou non, des autres soins de supports possibles pendant leur traitement anticancéreux, avec une étude randomisée en France, ce qui fournirait un appui solide pour promouvoir l’art-thérapie en milieu de soins.
4. Quelle sera la prochaine étape suite aux résultats de l’étude ?
La prochaine étape va être de publier les résultats dans divers revues scientifiques, pouvoir participer à des conférences pour les exposer -nous avons d’ailleurs déjà été sollicités suite à la publication de l’ouverture de cette étude sur Clinical Trials- et pourquoi pas, par la suite, aller plus loin et envisager d’autres études afin que cette pratique puisse être davantage reconnue scientifiquement et inscrite réellement dans le parcours de soins du patient.
5. Envisagez-vous dans les 5 prochaines années un autre type d’étude et si oui, lequel ?
Oui ! Etant art-thérapeute, j’étais habituée au terrain, à la pratique. L’étude ARONCO m’a fait découvrir d’autres horizons et j’avoue que cela est vraiment très intéressant. La recherche clinique prend beaucoup de temps, en plus des suivis des patients, mais cela permet d’apprendre beaucoup de choses. Pour le type d’étude prochaine, finissons celle-ci et après nous verrons !